50 ans de Grendizer : l’histoire de Goldorak au Japon
- lesanneesrecre
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Dernière mise à jour : il y a 2 heures
Alors que la France célébrera le 3 juillet 2028 les 50 ans de la diffusion de Goldorak dans Récré A2, au pays du Soleil-Levant, les célébrations ont commencé. En France, les fans impatients s'obstinent à commencer les célébrations sans, semble-t-il, forcément connaître le destin du robot géant dans son pays natal. J'ai voulu par l'article qui suit répondre à mes interrogations et apporter la lumière sur l'épopée nippone de Grendizer.

Genèse et héritage
Grendizer (UFOロボ グレンダイザー) a vu le jour en 1975 grâce à l’imagination fertile de Go Nagai, déjà célèbre pour ses créations emblématiques comme Mazinger Z (1972) et Great Mazinger (1974). S’inscrivant dans la tradition des méchas, Grendizer est conçu comme un gigantesque super-robot piloté par Actarus, un héros extra-terrestre et courageux, chargé de protéger la Terre contre des envahisseurs venus de l’espace. À ses côtés, Alcor — héros emblématique de Mazinger Z — revient dans un rôle secondaire, comme pour passer le flambeau à un nouvel archétype de protagoniste, plus mélancolique et introspectif.
Le projet, produit par Toei Animation, s’inscrit dans la continuité de l’univers Mazinger tout en cherchant à le renouveler. Les récits de super-robots servaient à sublimer les traumatismes nationaux et à transformer les souvenirs de guerre en épopées technologiques. Les robots géants deviennent alors des symboles de protection et de justice, offrant aux spectateurs un héros capable de défendre l’humanité et de restaurer un ordre menacé. Cette orientation reflète une évolution du genre mécha au Japon : après les robots guerriers et triomphants du début des années 1970, Grendizer explore les thèmes de l’exil, de la solitude et de l'écologie, dans un contexte international marqué par la vogue des OVNIs.

En 1975, le paysage télévisuel japonais est déjà saturé : des dizaines de séries animées se disputent l’attention des jeunes téléspectateurs. Les magazines comme Shōnen Jump ou Shōnen Magazine permettent au public de voter pour leurs héros préférés, stimulant une production foisonnante et une évolution rapide des styles.
Dans ce contexte, la rediffusion de séries anciennes était rare et réservée uniquement aux classiques intemporels, capables de séduire un public familial large.
Thématiques et symbolique
Le Japon des années 1970 est tourné vers l’avenir et l'ouverture au monde : les Jeux olympiques de 1964, l’Exposition universelle d’Osaka en 1970 et la croissance économique ont ancré le pays dans une vision optimiste et technologique.
Cependant, les œuvres de Go Nagai — comme celles de Tezuka avant lui — restent marquées, en profondeur, par la culture de l’après-guerre, encrée par les bombardements de Hiroshima et Nagasaki, ainsi que par la peur d’une invasion étrangère. Pas par un traumatisme immédiat, mais par un imaginaire collectif où la destruction et la reconstruction demeurent des motifs universels. Dans Grendizer, cette mémoire prend une forme apaisée : le héros n’est pas un soldat, mais un exilé pacifique qui combat pour la vie, non pour la gloire. Le robot géant devient alors non pas une arme de guerre, mais un rempart moral, une incarnation de la responsabilité humaine face au progrès et à la nature.

Diffusion télévisuelle
La série Grendizer a été diffusée sur Fuji TV du 5 octobre 1975 au 27 février 1977, pour un total de 74 épisodes de 24 minutes.
Contrairement à ce que l’on a connu en France, la série n’a jamais été intégrée à une émission jeunesse dotée de présentateurs. Chaque épisode était diffusé comme un programme autonome, sans intermède d’animateur ni encapsulation dans un bloc d’émissions destinées aux enfants.
La série Grendizer a été créée par Tōei surtout à la demande de Popy/Bandai et de Fuji TV, afin de vendre des jouets et produits dérivés. Tōei se concentre alors sur une technologie extraterrestre innovante, surpassant tout robot existant jusque-là. La première version du manga, accompagnant la diffusion de l’anime, reprenait directement l’histoire de la série tout en adaptant certains éléments pour le format papier, contribuant à promouvoir l’univers de Grendizer et ses produits dérivés auprès du public. Avec des parts d’audience oscillant entre 20 et 27 %, la série connaît un succès d’estime, mais son merchandising se vend moins bien que prévu. Les enfants japonais, déjà habitués à une profusion de robots modulaires comme Getter Robo, Steel Jeeg ou Brave Raideen, se lassent peut-être d’un format jugé plus classique. La série n’est pas renouvelée et ne bénéficie pas de rediffusion.

Grendizer entre 1977 et 2025
Après la fin de sa diffusion originale, Grendizer a suivi un parcours assez discret à la télévision japonaise. Alors que des séries comme Doraemon, Ultraman ou Heidi continuaient à être rediffusées et intégrées à la culture populaire, Grendizer est resté relativement confidentiel. Cependant, l’univers de la série n’a jamais été oublié. Souvent liés aux anniversaires du héros, les jouets et figurines, en particulier les fameux modèles Jumbo Sofbi ou Jumbo Machinder de 60 centimètres, ont continué à être produits. Doté de fonctionnalités éjectables ou mobiles, destiné à impressionner visuellement, le format Machinder est rapidement devenu iconique, incarnant l’idée d’un jouet à la fois massif et spectaculaire, pouvant être exposé comme une pièce de collection ou utilisé pour le jeu. Des éditions vidéo et DVD ont permis aux nouvelles générations de découvrir la série, tandis que des concerts, expositions et pop-up stores, ont maintenu sa présence dans la culture populaire. Les produits dérivés se sont multipliés, allant des romans graphiques aux montres de luxe, maintenant un marché fidèle et témoignant de la pérennité de l’attrait pour la franchise.
Entre 1977 et 2025, Grendizer est passé d’une diffusion quotidienne et populaire à un héritage de collectionneur et de fan, célébré lors d’événements commémoratifs et de sorties spéciales, conservant ainsi une place respectée dans l’histoire de l’animation japonaise.

Reboot : Grendizer U / Goldorak U
En 2024, sous l'impulsion des fans d'Arabie Saoudite, la franchise renaît sous la forme d’un reboot intitulé Grendizer U en japonais ou Goldorak U en version francophone. Produit par le studio GAINA en collaboration avec Manga Productions et Dynamic Planning, ce projet vise à relancer la série sur une scène internationale. La diffusion au Japon s’est effectuée sur TV Tokyo, BS TV Tokyo et AT‑X, accompagnée d’une mise en ligne simultanée sur des plateformes de streaming. En France, la chaîne Mangas a programmé la diffusion de Goldorak U, en VOSTFR dès août 2024, ciblant le public nostalgique mais également une nouvelle génération de spectateurs. Le staff réunit des figures prestigieuses de l’animation japonaise, avec Mitsuo Fukuda à la réalisation, Ichirō Okouchi au scénario, Yoshiyuki Sadamoto au chara-design et Kōhei Tanaka à la composition musicale, soulignant l’ambition artistique et internationale du projet. L’accueil critique a été globalement positif, même si certains spectateurs ont souligné la densité narrative et la complexité des arcs scénaristiques. Le reboot a généré un regain d’intérêt médiatique et culturel, mobilisant les fans de longue date et contribuant à relancer merchandising, produits dérivés et événements commémoratifs, tout en inscrivant la franchise dans une dynamique globale adaptée au marché contemporain de l’animation. La VF est désormais disponible sur la plateforme France.tv
Comparaison France / Japon
En France, Goldorak a bénéficié dès 1978 d’une diffusion massive sur la deuxième chaîne des 3 disponibles. La série est intégrée dans des émissions jeunesse avec animateurs et accompagné de films événementiels et d’un merchandising actif. La régularité des diffusions a contribué à faire de Goldorak un phénomène populaire durable, rassemblant plusieurs générations de spectateurs. Le public français, encore peu familier des récits de science-fiction animés, y découvre un héros à la fois fort et sensible — et en fait un véritable mythe populaire.
Captivé, fasciné, il s’approprie la série bien au-delà de sa cible initiale, transformant Goldorak en symbole d’une époque et d’une enfance partagée.
Au Japon, en revanche, Grendizer a évolué dans un marché saturé et hyper-compétitif, sans émission cadre ni rediffusion continue, avec un merchandising ciblé. Ainsi, si Goldorak est devenu un héros emblématique et central dans la mémoire collective française, Grendizer reste un héros de niche mais prestigieux dans la culture pop japonaise, célébré par les amateurs et les collectionneurs, avec une présence symbolique et culturelle solide sur plus de cinquante ans.







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