Jean-Jacques Debout au Bal Blomet

C'est au sous-sol du Bal Blomet que la magie opère. Une grande salle aux murs de briques abrite une large scène sur son côté gauche, tandis que des dizaines de tables rondes, entourées de chaises, occupent le reste de l'espace. Au-dessus, une mezzanine ceinture la pièce. Dans le coin gauche, un espace est réservé pour Chantal Goya et ses proches, dont son producteur Damien Nougarède et son attaché de presse (et chanteur) Thierry Gali.

Resté en bas, je trouve une chaise libre précisément juste en dessous de Chantal, derrière le piano. Autour de moi, je reconnais quelques visages familiers : la journaliste Marie-Laura Augry, son collègue Jacques Pessis, assis à côté du comédien de doublage Michel Elias. Au premier rang, la journaliste Wendy Bouchart et sa fille, et tout au bout, à l'opposé, Hervé Villard est installé, juste en face de la choriste Edwige Chandelier, qui a accompagné Jean-Jacques sur tous ses génériques. D'autres auraient reconnu des gens du métier : Françoise Canetti, Arlette Goupy (compagne de Claude Véga), Florian Desmaison, Christophe Daniel, Gérard Davoust, Olivier Coulon, Claude Lemesle, Emmanuel Lenormand, Michaël Raitner, Patrick Simonin.

À la scène, Jacky Delance est aux commandes du piano, Jean-Pierre Magnier à la batterie, Olivier Soubeyran à la basse et au violoncelle qui habille la scène, Aurélien Noël et Fabrice Ragot sont à la guitare, et Claude Egea à la trompette. Jean-Jacques ne cessera de mentionner qu'il est le trompettiste favori de Michel Legrand, et sa présence est une véritable plus-value au tour de chant, apportant une merveilleuse touche jazzy aux chansons du poète.

Ce soir, c'est un véritable moment de poésie que l'artiste nous offre. Dans ce cadre envoûtant et symbolique, l'un des derniers cabarets parisiens à avoir survécu aux fermetures, grâce à l'engagement de Guillaume Cornut, inspiré par les clubs de jazz de Londres, Shanghai et New York. Jean-Jacques Debout nous plonge dans l'histoire du music-hall à travers ses chansons et ses récits, riches de rencontres inoubliables. Il connaît tout le monde et, par ce spectacle, rend hommage à tous les artistes qui ont croisé sa route. De Trenet à Coquatrix, le patron de l'Olympia, en passant par Marlène Dietrich, pour qui il a écrit la chanson "Berlin" qu'il interprétera ce soir au piano. Il évoque Guy Béart et Sylvie Vartan, mais aussi Miles Davis, Jean Cocteau, ou encore Serge Gainsbourg. Jean-Jacques nous raconte comment, un soir, alors qu'il buvait une bière avec Jacques Brel, ils découvrirent un jeune homme accoudé à un juke-box. Le charisme du jeune homme les séduisit, et Jean-Jacques lui proposa de rejoindre le Petit Conservatoire de Mireille. Pour Johnny, la vie venait de commencer. Puis viennent Juliette Gréco et Barbara, cette dernière écrivant les paroles de "C'est trop tard", une chanson d'une tendresse bouleversante.

Jean-Jacques ne passe pas beaucoup de temps derrière le piano ; il reste surtout à l'avant de la scène, reprenant des morceaux de son dernier album, un hommage à "Frida Kahlo", "La Pergola" souvenir d'une romance d'été sur l'île de Ré, "Le Bal Blomet" dans lequel il évoque justement la salle dans laquelle il se produit, ou "L'Impossible Amour". D'autres titres viendront enrichir ce récital déjà rempli d'émotion : "On en fait des conneries dans la vie", ou un medley comprenant "Redeviens Virginie" (titre issu de la comédie musicale Paul & Virginie), "Nos doigts se sont croisés" (Grand prix de la Rose d'Or en 1964), "Pour moi, la vie va commencer" et en conclusion "Capitaine Flam".

Pour ouvrir le récital, Jean-Jacques a choisi une entrée sur la chanson de Mouloudji "Six feuilles mortes de San Francisco", avant un hommage à Charles Trenet, "Quand descend le soir". Il interprète aussi deux titres écrits en 1978 : "Les Rues de Paris" et "Alléluia" hommage au chanteur Jimmy Clanton.

Ce récital se transforme en véritable one-man show. Jean-Jacques, maître du bon mot, se joue des convenances et se délecte de dire des bêtises avec une telle tendresse que son humour touche le cœur de tous. Tel un grand-père racontant les vieilles histoires de famille, il témoigne des grandes années de la chanson française, celles des poètes et des chansonniers. Un spectacle émouvant, drôle, et surtout riche en transmission, où l'artiste nous rappelle, avec générosité et humilité, l’essence même de la scène musicale d’autrefois.

Jean-Jacques a trop parlé, il est temps de conclure. Et pour cela, il choisit un titre émouvant qu’il a écrit pour Joséphine Baker : "Au revoir, mais pas adieu".

S'il n'a plus le temps de chanter "Bourlingueur des étoiles", "Dieu nous a donné rendez-vous" et son célèbre "Les Boutons dorés", il tient à conclure par un titre plus ou moins improvisé pour remercier le patron de l'établissement, et c'est en chœur avec tout le public que nous chantons "Vive Guillaume Cornut".

À 85 ans, Jean-Jacques vient de franchir un nouveau cap, lucide et serein. Il imagine que cette scène pourrait bien être la dernière. Un cadeau de sa femme, qui tenait à ce qu’il remonte sur scène une dernière fois, entouré de tous ses amis, mais aussi des autres, comme moi, qui découvre aujourd’hui l’immense talent de cet homme dont la carrière a trop souvent été raccourcie ou dénigrée. L’auteur de Bécassine est avant tout un homme de spectacle. Il a su créer un genre unique : le music-hall pour enfants, tout en écrivant les plus belles chansons pour de nombreux grands artistes. À la hauteur d'un Michel Legrand ou d'un Vladimir Cosma, Jean-Jacques Debout est un véritable pilier de la chanson française, un conteur, un enchanteur.

BONUS : Capitaine Flam