Culte : 2 BE 3

Alors que TF1 proposait le 15 septembre dernier Filip, biopic consacré au « leader » des 2Be3 décédé à l'âge de 35 ans, la série Culte diffusée sur Prime Video le 24 octobre réussit là où le téléfilm échouait. Certes, le Filip de Mikaël Mittelstadt, pourtant sincère et inspiré du livre de Valérie Bourdin — épouse et grand amour de Filip Nikolic —, n’était pas dénué d’intérêt. Mais malgré l’investissement évident de son interprète principal, la mise en scène trop sage et un ton maladroit empêchaient le film d’atteindre son ambition : faire revivre la légende de ce groupe qui a marqué une génération.

Avec Culte, Prime Video relève le défi avec brio. Les créateurs Matthieu Rumani et Nicolas Slomka, déjà à l’origine du premier volet consacré à Loft Story, signent une série de six épisodes de 40 minutes qui nous replonge dans la fin des années 1990 avec une énergie et une sensibilité rare. Soutenue par les principaux concernés — Frank Delay, Adel Kachermi, Valérie Bourdin, Saska Nikolic (la fille de Filip) —, la série assume une approche librement inspirée des faits réels, préférant l’émotion et la reconstitution d’un climat à la simple narration.

Une immersion dans la genèse d’un mythe

Les trois jeunes acteurs Marin Judas (Frank), Namory Bakayoko (Adel) et Antoine Simony (Filip) livrent des interprétations d’une justesse remarquable. Ils incarnent la montée fulgurante de trois garçons de Longjumeau, poussés par leurs rêves et portés par leurs proches, jusqu’aux sommets du hit-parade et des grandes salles de France. Antoine Simony transmet avec une fidélité troublante le charisme de Filip Nikolic — ce que Mikaël Mittelstadt n’avait pas su retrouver — cette intrépidité impertinente, cette assurance solaire et ce sourire éclatant qui faisaient tout le charme du chanteur disparu.

Certes, quelques scènes (notamment celle recréant le passage au Hit Machine) peuvent paraître un peu « cheap », voire fantaisistes ou caricaturales. Mais la sincérité de l’ensemble l’emporte sur les quelques défauts.

L’esthétique, parfois sombre, épouse la mélancolie de ces destins sous pression. Dans un rôle inattendu de productrice, Daphné Bürki surprend par une présence impeccable, tandis que Frank Delay, en coach sportif et mentor du jeune Frank, apporte une touche d'émotion et de légitimité particulièrement intéressante, faisant office de passerelle entre le passé et le présent. Quelques clins d’œil savoureux, avec Chris Keller (G-Squad) et Anthony Dupray en présentateur télé, ajoutent au plaisir nostalgique.

La gloire et ses ombres

Là où le téléfilm de TF1 se concentrait sur le fanatisme et les dérives de Filip, Culte choisit un autre angle : celui des coulisses de l’industrie musicale et des sacrifices qu’exige la célébrité.

Le rythme soutenu, sans longueurs, pousse à enchaîner les épisodes sans voir le temps passer.

On y découvre aussi un regard plus contemporain, assumant un brin d’homoérotisme : entre ambiguïtés, looks androgynes, maquillage et torses huilés — et, étrangement non épilés —, la série explore un univers queer, reflet d’une époque revisitée à la lumière d’aujourd’hui.

Verdict

Avec ce deuxième volet, après celui consacré à Loft Story, Culte confirme son ambition : interroger les mythes populaires qui ont façonné la culture télé et musicale des années 1990-2000. Entre nostalgie, drame et analyse sociale, la série parvient à capturer ce mélange de naïveté et de vertige propre à l’ère des boys bands. Une réussite à la fois passionnante et lucide, qui donne envie de savoir à quel autre phénomène les créateurs s’attaqueront pour la troisième saison.