top of page
Le nom du site "Les années récré"
  • Facebook
  • Instagram
  • Youtube
  • Twitch
  • X
  • TikTok

Le gentil méchant loup d'Intermarché

  • lesanneesrecre
  • il y a 3 heures
  • 6 min de lecture

Après La tomate perdue et La crevette de la jet-set, Intermarché conclut l’année 2025 avec une publicité qui ne laisse personne indifférent. Diffusé pour la première fois le 6 décembre, lors de l’élection de Miss France sur TF1, le film fait immédiatement parler de lui. Depuis quelques jours, les réseaux sociaux s’enflamment, les médias saluent l’initiative… et les Américains observent avec une pointe de jalousie.



Diffusée à l’approche des fêtes de Noël, la publicité prend volontairement le contre-pied des codes habituels. Pas de Père Noël ici. Le film s’ouvre en prises de vues réelles, lors d’un repas de fête. Les adultes savourent, discutent, rient. À l’écart, un petit garçon s’ennuie. Un tonton bien intentionné lui tend un premier cadeau : un loup en peluche. Refus immédiat. « Il a peur des loups », explique la mère. « Ah mais faut pas… », répond le tonton, avant de se lancer dans le récit d’une histoire digne d’une fable de La Fontaine.

Le conte prend alors vie en animation : dans la forêt, un grand méchant loup souffre de solitude. Tous les animaux le fuient, ne voyant en lui qu’un prédateur dangereux. Sur les conseils d’un petit hérisson, le loup décide de changer et renonce à manger les autres animaux, devenant végétarien. Malgré ses efforts, la peur persiste. Jusqu’au jour où, lors d’un repas entre voisins, le loup s’invite timidement, une tourte à la main. Un petit écureuil se souvient alors que le loup l’avait autrefois épargné. Il fait le premier pas. La méfiance disparaît et le loup est finalement invité à partager la table.

Le petit garçon, lui, ne rejoint pas les adultes à table. Il s’est endormi paisiblement sur le canapé, la peluche du loup serrée contre lui.

La publicité se conclut par un regard complice entre la mère et le tonton, accompagné du slogan :« On a tous une bonne raison de commencer à mieux manger. »


Une nouvelle tradition culturelle et publicitaire:


Avec ses 2 minutes 20, ce film s’apparente davantage à un court métrage qu’à une publicité classique. C’est devenu une tradition de Noël : les marques cherchent à marquer les esprits. D’ordinaire, ce sont les parfums, les grandes marques internationales ou les géants de la tech qui s’imposent avec leurs publicités féeriques. Les Américains appellent cela les Christmas Ads, de véritables mini-films attendus chaque année. Habituellement, Chanel, Coca-Cola ou Apple raflent les éloges. Cette fois, ce sont les Français… et un supermarché.

Intitulé Le Mal Aimé, le film est signé par l’agence Romance, avec l’animation réalisée par le studio français Illogic, créé à Montpellier en 2018.


Un tube en guise de la bande originale:


Intermarché n’en est pas à son coup d’essai. En 2017 déjà, l’enseigne mettait au régime… le Père Noël lui-même : inquiet de le voir coincé dans la cheminée, un petit garçon lui offrait des légumes à chaque rencontre. La chanson J’ai tant rêvé d’Henri Salvador accompagnait alors le spot, déjà conçu par Romance.

Depuis plusieurs années, Intermarché met régulièrement à l’honneur la chanson française, avec des titres de Benjamin Biolay, William Sheller ou Mathieu des Longchamps. Cette fois, c’est Claude François et son tube de 1974 Le Mal-Aimé qui accompagne les images. Adapté du Daydreamer de David Cassidy, le morceau colle parfaitement aux mésaventures de ce loup rejeté et solitaire. L’effet est immédiat : selon Billboard France, les écoutes du titre ont bondi de 342 % en deux jours. Spotify évoque une hausse mondiale de 217 %. Le morceau cartonne en France, mais aussi en Belgique, aux États-Unis, au Canada, en Espagne ou au Royaume-Uni. Aux États-Unis, les écoutes sont passées de 20 à 2 000 par jour.


L’animation sans IA : un choix artistique et éthique


Dans un contexte où le débat sur l’intelligence artificielle fait rage, la publicité est aussi saluée pour une raison précise : elle n’utilise pas l’IA. Un choix assumé, en contraste avec certaines multinationales critiquées pour avoir remplacé des studios d’animation traditionnels par des images générées artificiellement, jugées « sans âme ». Coca-Cola, McDonald’s ou d’autres ont récemment essuyé des polémiques à ce sujet.


La production française met ainsi en valeur le savoir-faire de l’animation hexagonale, reconnue à l’international. Elle rappelle surtout une évidence : rien ne remplace l’humain pour transmettre de l’émotion.« Plus de 60, voire 70 artistes » ont été impliqués dans la réalisation de cette publicité, « sur une période de plus de six mois ». « Chacun de ces humains a rendu ce film possible », offrant une histoire simple et touchante, un message de tolérance et de vivre-ensemble, une réalisation soignée… et aucun recours à l’IA — du moins « de manière très très anecdotique », affirment les fondateurs d’Illogic Studios.

Selon l’Institut Montaigne, l’animation française est aujourd’hui la troisième au monde, derrière les États-Unis et le Japon.


Un personnage déjà culte:


« On savait que c’était bon, mais de là à faire le tour du monde… » Le groupe des Mousquetaires n’avait pas anticipé le succès de cette publicité, ni surtout l’impact émotionnel de son personnage principal. Les demandes sont déjà énormes, mais le timing est trop court pour offrir la peluche du loup sous le sapin cette année.


ree

Intermarché a annoncé le 15 décembre que la production des peluches était lancée et qu’elles seraient « made in France et Europe », mais qu’elles ne pourraient pas être prêtes à temps pour les fêtes. Malheureusement, d’autres producteurs moins scrupuleux ont déjà lancé des contrefaçons, souvent promues via des modèles générés par IA. Thierry Cotillard, patron du Groupement Mousquetaires/Intermarché, a prévenu ce mardi sur TF1 : « Il va falloir attendre Noël 2026 pour l’avoir au pied du sapin. On a fait le choix justement d’être cohérent et de ne pas importer ça de Chine. »


ree

Faute de peluche, un premier produit dérivé officiel a été lancé. Dès cette semaine, près de 1 000 galeries accueillent des cabines Photomaton. Pour 3 €, le client peut se prendre en photo et être intégré automatiquement aux côtés du célèbre loup, dans une ambiance de Noël. Il est à parier que la folie s’emparera des réseaux sociaux grâce aux plateformes de génération d’images par IA.

Sur la toile, une alternative plus artisanale se développe : la confection de l’animal mal-aimé en impression 3D. De quoi patienter en attendant la peluche officielle.


Le mythe du grand méchant loup :


ree

De la Bête du Gévaudan à Ysengrin, de Pierre et le Loup au Loup et les sept chevreaux, du Petit Chaperon rouge au loup-garou, le loup a toujours fasciné et effrayé les hommes. Porteur de rage, sauvage et intrusif, il vit aux marges des villages et cristallise toutes les peurs. En 1421, des loups affamés entrent même dans Paris, allant jusqu’à déterrer des cadavres fraîchement enterrés. Le clergé en profite pour le ranger dans le bestiaire démoniaque.

Avec La Fontaine, puis Perrault et les frères Grimm, le loup devient une figure incontournable des contes et des fables. Il incarne la menace, parfois symbolique, parfois même sexuelle : certains psychanalystes voient dans le Petit Chaperon rouge une métaphore de la perte de l’innocence.

Au XIXe siècle, la déforestation et l’industrialisation font disparaître peu à peu le loup, et la peur de la rage s’éteint avec le vaccin de Pasteur en 1885. Sa place dans l’imaginaire se transforme. Dans Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling montre des loups courageux et solidaires, tandis que Jack London, avec Croc-Blanc ou Le Fils du loup, célèbre un loup fidèle et noble. Peu à peu, il devient un compagnon de nos histoires d’enfance, un personnage central de la littérature jeunesse, loin du monstre terrifiant d’autrefois.


ree

Au cinéma et dans les dessins animés, il évolue encore. Le Coyote ridiculisé par Bip Bip dans les Looney Tunes reprend certains traits du grand méchant loup. Chez Tex Avery, le loup devient une caricature de l’homme : dragueur, excessif, parfois ridicule.

En 1979, dans Émilie Jolie, Eddy Mitchell chante un loup qui « s’est cassé les dents sur une grand-mère solide comme un roc ». En 1984, Chantal Goya rassure les enfants avec Loup-Loup, très doux et gentleman. En 1989, Grégoire Solotareff crée Loulou, un loup qui se lie d’amitié avec un lapin, multipliant les clins d’œil à l’imaginaire traditionnel.

Depuis plusieurs décennies, les écologistes poursuivent ce travail de réhabilitation, rappelant le rôle essentiel du loup dans l’écosystème, non sans provoquer de vifs débats avec éleveurs et chasseurs.

Nul doute que la publicité d’Intermarché s’inscrive dans cette longue histoire. En humanisant une fois de plus le grand méchant loup, elle contribue à transformer durablement son image dans l’inconscient collectif.


Un héritage respecté, un futur plein de promesses:


La publicité d’Intermarché dépasse largement le simple cadre commercial. En humanisant le grand méchant loup, elle s’inscrit dans une longue tradition de réinterprétation de ce personnage, tout en mettant en avant le savoir-faire français de l’animation et la richesse de la chanson française. Elle rappelle que la publicité peut être à la fois un outil de communication et un vecteur d’émotion, capable de marquer les esprits et de créer un lien durable avec le public.

Si la peluche officielle ne sera pas sous tous les sapins cette année, le phénomène est déjà lancé. Le loup d’Intermarché est devenu un personnage culte, et il est probable que ce n’est que le début de ses aventures. Qu’il s’agisse de nouvelles publicités, de produits dérivés ou même d’une série animée, ce loup mal-aimé mais attachant pourrait bien s’installer durablement dans notre patrimoine culturel.



Sources additionnelles:

La tribune Le figaro Le parisien RadioFrance

Pour ne rien louper inscrivez-vous à la newsletter

Merci et à bientôt alors...

Collaborations

Pour toutes demandes de partenariats, n'hésitez pas à me contacter sur : lesanneesrecre@gmail.com

Caricature du monstre gentil Casimir par l'illustrateur ZeMiaL

Vous pouvez aussi me contacter ici

Merci pour votre envoi.

Illustration: ZeMiaL

Webdesign: Protein Studio
© 2023 Les années récré. 

bottom of page