TVFQ : des programmes français au Québec
- lesanneesrecre
- 11 août
- 3 min de lecture

Pendant près d’une décennie, la chaîne TVFQ a fait entendre la voix de la télévision française au Québec. Diffusée sur le câble à partir de 1979, elle a permis à des milliers de foyers québécois de découvrir ou redécouvrir les programmes de d’Antenne 2, TF1 et FR3. Une expérience inédite de télévision transatlantique, à la fois culturelle et politique, qui allait poser les bases d’une coopération audiovisuelle francophone durable — et parfois controversée.
Tout commence en 1978, dans les bureaux de la Délégation générale du Québec à Paris, lors d’une rencontre entre André Chagnon, président de Vidéotron, et des représentants du ministère français des Affaires étrangères. L’objectif : diffuser au Québec des programmes français par câble, pour contrebalancer l’omniprésence des contenus américains. Le projet voit officiellement le jour le 16 septembre 1979, à l’occasion d’un accord intergouvernemental signé entre René Lévesque, premier ministre du Québec, et Alain Peyrefitte, alors ministre français de la Justice.
Nommée TVFQ (pour Télévision française au Québec), la chaîne propose un échantillon d’émissions des grandes chaînes françaises, transcodées du SÉCAM au NTSC par la société SETTE (Société d'Édition et de Transcodage T.E. Ltée), établie à Brossard. Les cassettes vidéo sont acheminées chaque semaine depuis Roissy vers Montréal.
À ses débuts, TVFQ est diffusée sur le canal 16 chez Télécâble Vidéotron, puis sur le canal 12 à Câblevision nationale. Dès 1980, elle est relayée par satellite et touche 35 câblodistributeurs québécois. Elle sera ensuite déplacée sur le canal 5 à Montréal, puis sur le canal 30 à partir de 1986, lors de l’arrivée de Télévision Quatre-Saisons.
Le succès est au rendez-vous : selon une étude menée en 1981, près de 2,5 millions de téléspectateurs québécois regardent TVFQ , dont la moitié au moins trois heures par semaine. La chaîne diffuse tous les jours entre 17h et minuit, puis ferme son antenne en affichant l’horaire du lendemain sur fond sonore de Radio France internationale.
TVFQ offre une véritable fenêtre sur la télévision française : émissions littéraires comme Apostrophes, grands rendez-vous culturels comme Le Grand Échiquier ou Champs-Élysées, ou la retransmission du concours de l'Eurovision, débats Les Dossiers de l’écran, 7/7, magazines d'information Thalassa ou 30 milions d'amis par exemple, programmes jeunesse (L’École des fans, Récré A2, Croque-Vacances, Vitamine, Le Village dans les Nuages), des jeux télévisés tels que Des chiffres et des lettres ou encore des divertissement comme les émissions de Stéphane Collaro et même Gym Tonic. La grille est constituée uniquement d’archives et de programmes existants, souvent diffusés avec un mois de décalage et sans publicité intercalaire, un grand plus au Québec.
« Quand par exemple Radio-Canada décidera d'acheter Apostrophes, qui remporte un succès grandissant, nous aurons atteint notre objectif et nous retirerons cette émission de notre grille. Car à terme, » avoue Marie-Josée Poisson-Fadous « notre but est de nous faire piller notre programmation, c'est-à-dire la télévision française, par les autres chaînes. La France alors n'aura plus besoin de vitrine, elle fera partie intégrante du magasin Québec. »
Certaines restrictions s’appliquent : TVFQ ne peut pas diffuser d’émissions dont les droits sont déjà achetés par Radio-Canada ou Télé-Métropole, ce qui limite parfois la diversité du catalogue.
Si la chaîne trouve rapidement son public, elle n’échappe pas à la critique. Dès son lancement, des voix s’élèvent pour dénoncer un « colonialisme culturel ». Des artistes québécois et l’Union des artistes s’inquiètent de la concurrence jugée déloyale que représentent les programmes français face aux productions locales. On reproche aussi au gouvernement québécois son manque de fermeté face à l’envahissement des contenus étrangers, qu’ils soient américains ou européens.
Mais avec le temps, les oppositions s’apaisent. TVFQ s’installe dans le paysage audiovisuel québécois, avec ses rendez-vous attendus et une identité bien à elle, perçue non plus comme une menace, mais comme un complément culturel enrichissant.
TVFQ 99 cesse d’émettre le 1er septembre 1988. Elle est alors remplacée par TV5, chaîne internationale de la francophonie, plus ambitieuse, mieux financée, et proposant des programmes issus de l’ensemble des pays francophones. TVFQ aura ainsi préparé le terrain pour une offre francophone élargie, plurielle, et plus équilibrée.
TVFQ demeure une expérience pionnière dans le domaine de la télévision internationale : à la croisée de la diplomatie, de la technique et de la culture, elle a contribué à rapprocher deux peuples liés par la langue, tout en suscitant un débat salutaire sur les rapports entre médias, identité et souveraineté culturelle.
Sources additionnelles:
Le monde
Numerique.banq (Immemnse merci à Jack Harlock du site Planète Jeunesse pour la découverte du document)
Neuve-France Hiver 1985













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